Un jour sans fin


Hier, c’était dimanche. J’aime bien les dimanches. Pourtant, il pleuvait. J’ai bravé le crachin breton et les postillons de mes voisins pour rejoindre la supérette du quartier. Il était hors de question de manquer de bière. Le foulard autour de la bouche, j’ai ensuite décidé d’aller voter, mon stylo bille personnel dans la poche. J’étais partagée entre mon devoir de citoyen et mon devoir de… citoyen. On nous prend pour des cons.

 Les rues étaient silencieuses, j’ai traversé sans regarder. C’était chouette, la frange collée sur mon front par la pluie, j’ai souri. C’était dimanche et, autour de chez moi, les gens semblaient avoir compris la consigne.

C’était dimanche, on a sorti le laminoir et on a fait nos propres pâtes pour les lasagnes. C’était bon. On a pris le temps. Les enfants ont passé la journée en pyjama.

Comme c’était dimanche, j’ai programmé mon réveil pour le lendemain. Je me suis blottie contre mon binôme, et me suis endormie sur mon téléphone, la tête pleine des dernières vraies fausses informations sur la pandémie.

Ce matin, j’étais réveillée avant l’heure. Ça ne m’arrive jamais. D’autant que jadis, jusqu’à la semaine dernière, je ne travaillais pas le lundi. J’ai traîné au lit. J’ai ouvert la fenêtre et me suis attardée quelques instants pour contempler ma rue. L’air était frais, le ciel lumineux. Ce lundi matin, il n’y avait aucune voiture.

Ce lundi matin, nous étions toujours dimanche.

Mais pas tout à fait. Ben nan, y avait école aujourd’hui. Et comme, nous étions tous au top de l’anticipation et que la plateforme de l’Éducation nationale était efficace, on a tous fait classe à nos élèves. On a commencé par une  mise en situation en visio-conférence. Ils ont ensuite procédé à une recherche en ligne et ont terminé par le petit quizz que j’avais préparé pour vérifier s’ils avaient bien compris.

Non ! Je déconne.

En vérité, on n’était pas prêt. Planquer les mômes sous les tables en cas d’intrusion, ça, ça va, on maîtrise grave, mais gérer les élèves hors de l’école, on ne s’était jamais entraîné à le faire. Nous n’étions pas prêts. Et parce que jadis, jusqu’à la semaine dernière, ils rigolaient en classe avec leurs copains, nos jeunes ne l’étaient pas non plus.

Aujourd’hui, c’était encore dimanche et j’ai travaillé. Beaucoup parce qu’on ne sait jamais quand s’arrêter lorsqu’on travaille à la maison. Je n’y avais jamais songé avant.

Mais comme c’était encore dimanche, je me suis dit que j’avais le droit de me détendre. Je me suis assise au bord de la fenêtre. Il s’avère qu’aujourd’hui, c’était le printemps dans le Finistère. Ça fait des mois qu’il pleut. Les gens déprimaient, il était temps. J’ai joué quelques accords de guitare, mais personne dans le quartier ne m’a applaudie à la fin. Ça m’a un peu vexée. 

Heureusement, demain, c’est encore dimanche. Une nouvelle chance d’enseigner à distance, de finir mon roman ou de passer ce putain de Si mineur ! Comme dans Un jour sans fin, demain nous serons encore dimanche. La marmotte en moins.

 

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