Charge mentale


Vous la connaissez cette femme qui décide de quitter son mec parce qu’il ne foutait rien à la maison, qu’il n’anticipait rien, qu’elle avait l’impression d’avoir un enfant supplémentaire à gérer tellement il était incompétent ? Cette même nana, une fois la séparation entamée, décide d’avoir recours à la justice pour avoir la garde exclusive de son (ou ses) enfant(s)…

La garde exclusive… L’idée m’échappe, à moins d’avoir fabriqué sa progéniture en se masturbant ?Elle utilise donc un mode revanchard pour qu’il comprenne la leçon. Elle l’humilie, elle affirme à la société que cet individu, qui ne balayait pas dans les coins, est trop con pour  gérer un quotidien sans elle.

Mais bon, ce n’est pas de sa faute. Son mal-être existe et il a un désormais un nom : Cette femme souffrait depuis des années, sans le savoir, de ce qu’on appelle «la charge mentale».

Répétons le lentement : La – charge – mentale.

Depuis une BD en ligne sortie il y a quelques mois, le concept est devenu la nouvelle tendance chez la femme qui s’emmerde… Elle est devenue un nouvel argument pour se friter avec celui qui, né après 1975, a quand même bien compris qu’il était une femme comme les autres. 

https://emmaclit.com/2017/05/09/repartition-des-taches-hommes-femmes/

Allez les filles, reconnaissez-le, tous les mecs d’aujourd’hui ne sont quand même pas comme Papa. Alors pourquoi essayer de ressembler à Maman ? 

Vous travaillez.

Vous faites du sport.

Vous buvez de la bière.

Vous avez suivi les élections et avez voté avec conviction, parce que vous avez un vrai avis bien à vous.

Vous avez le droit d’avoir un compte en banque, sans demander l’autorisation d’aucun individu de sexe mâle.

Vous avez probablement un petit sex toy -qui n’en a pas l’air- bien planqué dans votre table de chevet.

Et vous l’utilisez de mieux en mieux d’ailleurs.

Reconnaissez-le !

Il est parfois dangereux de nommer les choses. Donner un nom à un concept, c’est lui offrir une existence propre, une légitimité. Un sentiment apparu chez une femme en particulier a été identifié et puis nommé. Le nom existe, la «chose» existe donc. A partir de là, elle peut se propager.

Se laisser envahir par des pensées négatives… Pourquoi ? 

Avant qu’on explique aux enfants ce qu’est le racisme, aucun d’entre eux n’ y pense, ni ne fait de différences entre tous ses copains. La charge mentale est en réalité un petit problème de femme occidentale et qui doit secrètement aimer infantiliser son mec… 

Et puis franchement, vous avez pensé à toutes celles qui n’ont pas le luxe de souffrir de la charge mentale? A toutes celles dont l’esprit est surchargé de bien d’autres douleurs? Vous avez pensé à la femme qui chaque jour se demande comment cacher les marques de coups de son mari? Vous avez pensé à cette femme qui rêverait d’avoir à gérer les couches culottes et l’intendance d’une maison pleine de cris, mais qui n’arrivera jamais à avoir d’enfants? Ou à cette femme vieillissante qui n’a plus d’autre charge mentale que celle du temps qui passe parce que ses belles années de super héroïne sont loin derrière elle?

Cependant,  malgré le tas de linge que personne n’a plié et qui traîne sur mon lit, malgré les papiers que je n’ai toujours pas triés et malgré le dossier de ré-inscription au collège de mon aînée qui aurait dû être rendu la semaine dernière, je vais prendre une petite minute pour raconter une histoire à celles qui ont envie de me balancer leur serpillère en plein visage… 

Il était une fois, de nos jours, une maman. Une maman qui bossait qui avait ses petits plaisirs et ses passions et qui avait à la maison trois grands ado (que j’imagine insupportables, puisqu’un ado l’est forcément à bien des égards)…

Chaque jour, lorsqu’elle rentrait chez elle, trônait sur le tapis de l’entrée, les paires de chaussures de sa tribu. Pendant des années, chaque soir, en rentrant, cette super maman ramassait patiemment les godasses crasseuses de ses petits amours et les plaçait sur l’étagère bien visible prévue à cet effet.

Un soir, exténuée, elle ne les a pas ramassées. Elle a appelé ses garçons, leur a montré l’étagère et leur a demandé d’y placer leurs chaussures. Pris sur le vif, sans trop râler, ses enfants ont obtempéré. 

Le lendemain soir, même scénario.

Malgré la scène de la veille, il avait encore fallu leur rappeler l’évidence. 

On vit ensemble, facilitons nous la vie…

Au bout d’une semaine où elle revivait inlassablement le même moment, cette mère agacée eut une idée…

Au lieu d’appeler ses garçons et de leur demander de faire ce qu’ils ont à faire, au lieu de faire à leur place, elle a pris les trois paires de chaussures et les a cachées. 

… 

Jusqu’au lendemain matin, jusqu’à ce qu’ils en aient besoin pour aller à l’école.

Elle ne leur donna pas. Ils se débrouillèrent comme ils purent et depuis ce jour, chaque soir, lorsqu’elle rentre chez elle, elle regarde en souriant, le fruit de son ingéniosité. Les quelques secondes d’agacement qui caractérisaient ses retours au foyer ont disparu. Elle est parvenue à alléger sa charge mentale avec intelligence.

Le jour où on m’a conté l’histoire de cette maman, j’ai eu un déclic. Nous sommes responsables de cette charge mentale. Les générations précédentes pèsent sur nos épaules de femmes actives. Oui, nous avons beaucoup de responsabilités et parfois, on se sent submergées. Dans ce monde culpabilisant où il faut être une professionnelle investie, une mère patiente, une ménagère hors pair et la reine des galipettes, nous pouvons aussi être comme cette maman, astucieuse et pédagogue. 

Le féminisme doit être une éducation, pas un combat. Sinon, c’est qu’on n’a rien compris.