Ca y est, nous y voilà…
Le corps ramolli par la chaleur accablante des journées caniculaires, des heures entières de torpeur, les cuisses dorées des filles, les bras saillants des hommes sous leurs tee-shirts humides, le sable qui colle partout, la bière qui coule à flot et les évènements culturels qui viennent enfin remplacer les entêtantes campagnes des Moonwalkers…
Nous avons tous montré, ces derniers mois, notre capacité à devenir des spécialistes ès politiques. Et au lieu de nous rassembler, nous nous sommes mis à nous jauger, méfiants, suspicieux, effrayés… Nous sommes restés entre convaincus, oubliant que se confronter à la différence était encore la meilleure façon de se connaître.
L’heure est à la chaleur et à la légèreté. Il est temps pour nous de saisir à pleines mains cette façon bien plus subtile de faire de nous des citoyens. Le moment est venu de partir à la rencontre des autres pour créer ce vivre ensemble qui finalement fait tellement défaut désormais.
C’est l’esprit embrouillé par ce constat et sous ce soleil brûlant que je me suis retrouvée dans le jardin d’Irène et Pierre à Morgat pour vivre un concert chez l’habitant.
Irène, une grande tige hispanique à l’accent sucré et au sourire enjôleur, drôle sans le faire exprès, belle sans le savoir. Pierre, tout droit sorti d’une comédie britannique, coiffure approximative et chemise à fleurs. Deux parfaits inconnus pour moi qui, le temps d’une nuit, ont ouvert leur espace à qui voulait bien se donner la peine de grimper jusqu’à chez eux. Un couple étonnant, probablement farfelu mais accueillant et rassembleur.
Lorsque j’ai commencé à arpenter le site, leur jardin, j’ai d’abord eu un profond sentiment d’imposture. Oui, j’avais payé l’entrée, mais quand même, j’étais chez eux. Dans leur intimité… Et ils m’offraient un peu de leur histoire. Tous ceux qui arrivaient les uns après les autres semblaient bien se connaître. Des gens souriants mais qui ne ressemblaient pas à ceux que je connais. Des gens de mon âge mais qui ne possédaient pas les mêmes codes vestimentaires que moi. Des gens cultivés mais qui ne fréquentaient pas les mêmes lieux que moi.
Et puis, en revenant de la cabane au fond du jardin, j’ai vu cette fille. Une cordelette lui servait de ceinture, les bras croisés, elle était en pleine réflexion, debout, face à un tas de chutes de bois. Après une demie seconde d’hésitation, je me suis lancée:
-Tu as l’air d’avoir besoin d’aide ? Je peux faire quelque chose pour toi ?
-Oh ben oui alors ! J’ai promis de fabriquer un Burning Man pour ce soir, mais je ne sais vraiment pas par où commencer…
Un Burning Man !
L’idée m’a tout de suite séduite. Le Nevada, c’est loin. C’était peut-être ma seule occasion de participer à une telle aventure. Peu à peu, le groupe a grossi ; la préposée au détricotage de la corde, le mec qui cherchait les clous, celui qui tenait les planches pendant qu’on les fixait.
Ensemble…
Et c’est ensemble, qu’ensuite, nous avons dégusté nos Bo Bun, assis sur des bottes de paille (Oui, c’est juste une salade thailandaise, mais quel délice sous cette chaleur !). C’est ensemble que nous avons bu quelques petites nombreuses bières au son de la musique électronico-éthérée de Sick et qu’enfin, grâce à l’ambiance propagée par les DJ de «Bad News From The Stars», nous avons dansé toute la nuit autour de notre Burning Man.