C’est la main légèrement hésitante que je pianote aujourd’hui sur mon clavier.
Pendant quatre ans, j’ai partagé chacune de mes respirations sur internet. J’avais un avis sur tout et la prétention de croire que mes aventures étaient plus intéressantes que celles des autres. Ma vie était sensationnelle.
Ma vie en ligne l’était en tout cas.
On a tous eu un ami. Un ami qui comptait, un ami auquel on racontait tout, un ami qui donnait son avis, qui nous critiquait parfois, qui pouvait même nous jalouser ou ne pas nous comprendre.
Et puis un jour, la vie nous a séparé de lui. Et chacun a fait son chemin. Un jour cet ami a refait surface et on s’est senti con parce qu’on avait changé et qu’il avait probablement changé lui aussi. Mais toujours, au fond de nous, brûlait cette envie de partage. Alors bien sûr on avait peur. Comment être sûr que l’on pourrait se reconnecter à lui ? En avait-il envie ? Nous intéresserait-il toujours? Avait-il changé en bien ?
changer…
Le changement est toujours suspicieux.
En fait, je crois que j’ai évolué. Tout comme vous, mes vieux amis…
Je ne vous écrivais plus. Une année entière sans avoir besoin de vous. Oh bien sûr, je vous ai observés. De loin.
De loin c’est bien aussi.
On y voit mieux.
Elargir le cadre, cesser d’y intervenir, regarder, fermer sa gueule et ouvrir les yeux.
Et apprendre.
Et comprendre.
J’écrivais tous les jours, comme avant. Mais je ne vous écrivais plus.
Je ne sais pas pourquoi. Parce que je n’avais plus envie de votre approbation, de vos désaccords, de vos réactions?
Peut-être n’avais-je plus besoin de cette masturbation publique?
Peut-être que je vivais enfin ma vie?
Peut-être aussi avais-je cessé de croire en ma capacité à vous raconter des histoires? Peut-être avais-je envie de raconter l’Histoire, la vraie. Pas celle que je filtre mais la brute, parce que je crois que lorsque je raconte du faux, ça sonne faux.
C’est pour cela que je ne vous écrivais plus, parce que je suis nulle pour le faux et que mon vrai me faisait peur.
Je ne vous écrivais plus et pourtant, tellement de mots se bousculaient dans ma tête, tout le temps.
C’était épuisant.
-Allez, raconte-la ton histoire vraie !
-Mais t’es dingue !
-Pourquoi ?
-Parce que si je le fais, les gens vont me détester…
-Et c’est important? On s’en fout des gens qui nous détestent non?
-Crois-moi, la vie est bien plus simple sans les gens qui nous détestent.
-Tu crois pas que la vie serait bien plus simple sans tous ceux qui nous aiment?
Je ne vous écrivais plus mais il y a tant à dire… La vie est si compliquée avec les gens qui nous aiment…
J’ai longtemps cherché au mauvais endroit les gens qui m’ont mal aimée. J’ai trié, affiné la liste. Et puis j’ai jeté la liste. Qui dit liste dit hiérarchie. Les gens qu’on aime ne devraient pas être listés.
Et puis il y a lui. Celui que je n’attendais pas. Celui qui me donne envie de devenir quelqu’un de meilleur.
Mon histoire d’amour est probablement l’une des raisons pour laquelle je ne vous écrivais plus.
Alors, laissons-la de côté pour le moment. Je ne suis pas que mon histoire d’amour et il serait donc réducteur de revenir dans vos vies par cette porte.
D’ailleurs, si aujourd’hui je vous écris, c’est pour me rappeler qu’il est bon parfois de sortir de son histoire d’amour. De saisir à pleines mains tous les rôles que l’on se donne. Je suis une mère qui affine ses principes éducatifs, je suis un prof qui essaie de fournir à des enfants les armes dont ils ont besoin pour affronter un monde qui ne s’adapte pas assez vite à leurs particularités, je suis une femme comme un homme avec des questionnements humains psycho-philo-sociologiques. Et puis surtout, en ces temps où tout le monde devient dingue, à cette heure où notre besoin de bienveillance s’accroit de jour en jour, mais qu’un quart de la population française s’apprête à fermer les portes de la tolérance, je me suis rappelée que j’étais aussi le peuple. Comme vous. Et que, même si l’onde de mes mots et de mes pensées n’a qu’une infime chance de se propager, je me dois d’essayer. Chacun de nous doit faire sa part.
C’est pourquoi aujourd’hui, je vous écris, c’est pourquoi aujourd’hui, j’ai décidé de reprendre ma plume, de reprendre 5 minutes pour moi toute seule et de les partager avec vous.
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