-On n’a pas fait l’amour depuis des semaines…
-Tu rigoles ? Et dimanche dernier pendant la pub, on a joué au baggamon peut-être ?
-Arrête de mentir, ça c’était le jour de l’anniversaire de mamie, elle est née fin novembre…
-T’es en train de me dire qu’en 2014, on n’a toujours pas baisé ?
Et la conversation pourrait continuer pendant de longues et désagréables minutes… Lorsqu’on évoque la fréquence de nos rapports sexuels, il allonge les périodes de disette quand moi, je les raccourcis presque pas. La vérité se situe quelque part entre les deux.
-Nan, mais elle est où l’enragée du slip que j’ai connue au début ? T’étais vraiment rien qu’une allumeuse. Les quatre fois par jour, les bagnoles, la douche, cette plage à Ouessant… C’était vraiment rien que pour m’appâter !
Oui, souvent, il continue à se disputer avec moi, même quand je suis passée à autre chose.
Et je finis toujours par lâcher ma partie de Candy Crush pour combattre cette injustice masculine.
-Alors d’abord le début c’était y a douze ans ! J’étais jeune, curieuse et insouciante. Et toi t’étais jeune, chevelu et musclé ! Bordel ! Nan, mais il me fait rire, lui…
Jeune- chevelu- musclé….
Je me répète ces mots plusieurs fois silencieusement.
Mon dieu, je suis vraiment la pire des sorcières. Son équivalent féminin serait le triptyque ferme- fraîche-lisse…
Je m’en veux terriblement. Je suis méchante parfois.
Mais il y a tellement de grains de sable pour agrandir notre désert sexuel…
- La petite dernière est fièvreuse ce soir. Elle dort dans le lit conjugal.
- J’suis en train d’écrire là, l’inspiration ça se programme pas.
- La grande a l’ouïe fine.
- J’ai souvent la migraine. Certains arguments nous ont été transmis par les générations précédentes, on n’y peut rien.
- T’as passé la soirée à râler et d’un coup tu te rappelles que t’as envie d’une bonne baise. Ouais, ben faudrait peut-être songer à la mise en jambe mon coco.
- Je viens de me faire la filmographie d’Ashton Krutcher, je suis désolée mais tu ne peux pas souffrir la comparaison.
- Tu viens de te faire «Bleu d’enfer». Jessica Alba t’a émoustillé mais je ne supporte pas que tu me fasses l’amour en pensant à une autre.
- Elles reviennent douze fois par an… C’est comme ça.
- Non, c’est crade, je te jure, même avec une capote.
- Comment ça, «avant ça ne me gênait pas»???
En fait, j’ai toujours une bonne raison pour repousser à demain les plaisirs. Pourquoi ? Parce que, justement, je sais qu’il y aura des lendemains. Elle est loin cette première année lors de laquelle on était si peu sûr qu’il y aurait d’autres fois. On faisait l’amour au premier sens du terme. C’est à dire qu’onfabriquait l’amour, on fabriquait notre couple. On ne se connaissait pas, le sexe alimentait les fondations d’une histoire qui commençait à peine. Le sexe était la priorité. C’était tout le temps, c’était partout. Il pouvait se passer n’importe quoi dans la journée, on pouvait traverser n’importe quelle galère, on savait que le soir on se retrouverait. Faire l’amour était une sorte de bouclier.
On faisait l’amour parce que c’était ce qu’il y avait de plus fort entre nous à ce moment-là.
Aujourd’hui, nous en avons j’en ai moins besoin parce qu’il y a des tas d’autres trucs à partager qui me remplissent pleinement.
Ensemble, on se moque des mêmes choses. Juste en se regardant, on sait ce que l’autre pense. On se fait des blagues potaches, on adore nos enfants, on veut louer nos enfants, on partage les doutes, les espoirs et cette si jolie maison. Jolie parce qu’elle abrite tout ça, jolie parce qu’elle nous ressemble.
Je suis sûre que mes arguments sont convaincants, qu’il ne peut qu’être d’accord avec moi, qu’il éprouve les mêmes joies que moi face à toutes ces belles choses qu’on fait ensemble.
Mais bon…
Il vient de lire ce texte, il sourit, mon article est terminé et aucun enfant malade à l’horizon. Son sourire s’agrandit. Une boîte de Doliprane à la main (au cas où…), il me regarde :
-Ouais, il est beau ton article. Mais quand-est-ce qu’on baise ?