Je ne sais pas si je vous l’ai déjà dit, mais j’ai grandi dans le bassin minier, dans un bled à côté de Lens. Oui, Lens, là où il y a le stade Bollaert. Il est très moche ce nom, mais il sonne doux à mes oreilles, parce qu’il me rappelle mes racines chties. Il me replonge dans ma jeunesse, celle où l’accent de Dani Boon était ma bande-son. Dans la cour d’école, il m’arrivait d’hurler avec les autres : « Quand le virage se met à chanter, c’est tout le stade qui va s’enflammer, allez, allez, allez, allez, les sang et or sont les plus forts ». Mais je ne savais absolument pas pourquoi je parlais d’un virage, je ne voyais vraiment pas le rapport. Je n’étais même pas sûre que les « sang et or » soient les plus forts pour de vrai. En même temps, je ne comprenais pas non plus comment les joueurs d’Olive et Tom parvenaient à nous rappeler que la Terre était ronde à chaque fois qu’ils faisaient leurs raids solitaires pour mettre la rage à Marc Landers. Tout ce que j’ai assez vite compris sur le foot lorsque je vivais dans le Pas de Calais, c’était que si je m’y intéressais un minimum, j’aurais plus de chance avec les mecs. Le tuning aurait eu le même effet chez les mâles nordistes, mais je n’ai jamais pu m’y résoudre. Le foot, c’était, d’après moi, un tout petit moins élevé sur l’échelle de la beaufitude.
Maintenant que je suis une jeune femme sûre d’elle, je n’ai plus besoin de faire semblant de connaître le foot pour plaire aux hommes. Donc, lorsque Valé m’a proposé de l’accompagner au stade brestois pour soutenir les Girondins, j’ai d’abord pensé « euh… ». Et j’ai réalisé, qu’elle était vraiment fan de cette équipe et comme je m’intéresse à elle, je voulais comprendre. J’ai dit Oui.
Normalement, avec mes copines, je fais des trucs de copines.
– Du shopping
– Des apéros
– Des virées au Majestic
– Des chorégraphies pour le flash Mob du 28 avril (place St Corentin, d’ailleurs, j’attends chacun d’entre vous !)
– Des hammams
– Des manucures et autres trucs de pouf…
Mais là, on a décidé, toutes les 4 de se faire une soirée « potes ». Les jupes enfilées et le rouge à lèvres étalé (oui, parce qu’on était peut- être des potes ce soir-là, mais on n’a pas oublié qu’il y aurait un très haut degré de testostérone quand même), on a rejoint le stade Francis Le Blé. Mais comme tout pote qui se respecte, on est passé par le bar, histoire de vider une petite pinte (avec du Citror, sinon, c’est dégueu). Avant de traverser la foule qui mène jusqu’au comptoir on nous a prévenue qu’on mettrait à coup sûr, une plombe avant d’être servie, rapport aux 92 mecs qui attendaient avant nous. Mais l’avantage lorsque tu fais une soirée potes avec une mini-jupe, c’est que les 92 bœufs te laissent passer… Ça nous a tellement donné confiance en nous qu’on a tenté d’infiltrer le carré VIP, par les trois portes différentes, avec les trois différents vigiles. Echec cuisant, on a dû se contenter des frites grasses à la mi-temps, on ne devait pas être assez sexy pour le champagne et les petits fours. Moi qui espérais observer la partie glamour du Football… Tout ce que j’ai pu voir c’est :
– Un stand avec des écharpes rouges et blanches, ICI C’EST BREST ! (au cas où on avait oublié)
– Des nanas légèrement marquées… par… la vie.
– Des petits garçons qui, quand ils seront grands, voudraient faire « footballeur professionnel ».
– Des papas vicelards qui quand ils seront grands voudraient se taper Zahia.
– Des ultras qui n’ont pas compris que le rouge n’est toléré qu’à Noël.
– Des hommes qui n’ont pas l’air vicelards mais qui avaient dû arriver bien avant les 92 autres mecs au bar.
La mort dans l’âme, nous sommes montées jusqu’aux gradins pour trouver nos places. Et sans attendre, parce que l’avantage d’un match, c’est que ça commence à l’heure, les joueurs sont arrivés sur le terrain. Mon étude sociologique des mateurs de foot a été suspendue lorsque mon regard s’est posé sur le marine et blanc numéro 28…
-Valé, je crois qu’on a bien fait de venir, il s’appelle comment celui-là ?
-Benoit Trémoulinas, 27 ans, né à Lormont, il a fait l’actu cette semaine pour conduite en état d’ivresse.
-Ah ! Intéressant, il est rock’n’roll en plus. Tu crois que si je crie il va m’entendre ?
Valé ignore ma question puis me dit :
-Il a failli être privé de ce match pour ça quand même !
-Nan, mais si je crie vraiment fort ?
Valé a été sauvée de mes questions superficielles par le coup d’envoi.
Bretonne d’adoption depuis une dizaine d’années, j’avais décidé de soutenir intensivement les Ti Zef. En plus, j’ai immédiatement compris en regardant autour de moi que c’était un choix raisonnable si je ne voulais pas me faire taper dessus. Jupe ou pas, un supporter te taclera si tu ne soutiens pas la même équipe que lui.
Normalement, j’adore appartenir à la majorité. Je me sens protégée et j’ai l’impression de faire partie d’une communauté géante où tout le monde s’aime. D’ailleurs, en 1998, j’avais fait comme vous tous, je m’étais prise de passion pour les Bleus. L’Homme se moque encore aujourd’hui de cette frénétique envie de mater le foot cette année-là. Pourtant même si ça n’a été qu’éphémère et qu’effectivement aujourd’hui tous ces faux supporters d’un été ont cessé de suivre les épopées du ballon rond, je crois que ça avait fait du bien au Pays. Pour une fois, tous les Français étaient d’accord. Moi, je suggère aux Politiques de nous mettre une petite Coupe du Monde avant les élections…
Bref, retournons route de Quimper, en 2012…
Au bout d’un quart d’heure de jeu, j’ai bien remarqué que tout se passait à droite, c’est-à-dire du côté de la cage brestoise. La tension est montée, les hommes alentour se bouffaient les doigts et commençaient à inonder nos oreilles de douces métaphores pour parler de ces joueurs irrespectueux qui semblaient oublier qu’on avait payé plus ou moins cher pour assister à un tel spectacle et que leur salaire honteusement élevé impliquait qu’il se bouge un peu les fesses. Au bout d’une demi-heure de jeu, je me suis demandé quand est ce que l’échauffement allait s’arrêter et quand ils allaient jouer pour du vrai… Et Gouffran a marqué ! Imaginez-nous, les quatre nanas dont une Girondine de cœur au milieu de cette horde de mecs en rouge… Je crois que la seule personne à s’être levée dans tous les gradins, c’était ma voisine de gauche. Je me suis sentie obligée de jeter des œillades à tous ces gars en colère afin de gagner leur indulgence. Je vous rassure, certains étaient amusés et ne montraient aucune hostilité envers ma copine. Certains… Parce que la vérité, c’est que ceux qui sont cons le sont tellement qu’ils nous font généraliser. Face à ces gras du bide, j’ai décidé de m’intéresser définitivement au match et de laisser tomber mes études sociologiques. Je dois bien l’avouer, au fil des minutes, mon cœur a quitté la Bretagne pour rejoindre Bordeaux. Trémoulinas et sa plastique n’y sont pour rien, évidemment ! D’autant qu’à la deuxième mi-temps, il est allé à l’autre bout du terrain et le zoom ultra performant de Valé ne me permettait plus d’essayer d’avoir une photo correcte de lui. C’est nul cette règle de changer de côté ! D’ailleurs, j’ai mené l’enquête afin de connaître des termes techniques de foot et de briller en soirée. Certaines expressions m’ont beaucoup amusée et seraient parfaitement adaptées pour évoquer les hommes en général…
– Le ballon de plomb désigne le pire des joueurs de ligue 1, je connais tellement de « ballon de plomb » du sentiment qu’un So Foot entier ne contiendrait pas assez de pages pour publier tous leurs noms !
– Je connais aussi une ribambelle de mecs à classer dans le ventre mou, ce qui n’est ni un compliment ni une critique. Ils jouent, ils essaient de ne pas être reléguer chez les nazes, mais ne seront définitivement pas en tête de nos cœurs non plus. Ahhh, Brest…
– Vous vous souvenez de la fille aux gros seins dans les boîtes de nuit, celle qu’on déteste ? Pour les mecs cette fille, c’est du caviar. En foot, ça veut dire que le but était facile… Même pas besoin de la marquer à la culotte, on la mystifie sans aucun problème, sans avoir besoin d’être un renard des surfaces. On peut lui mettre des semelles, et elle en redemande… ( cf. Zahia)
Je me moque, mais je sais qu’il y a de vrais passionnés dans tous les sports. C’est « l’opium du peuple » et cette idée-là me plait. Si tous ces supporters du ballon rond aiment autant le foot que j’aime la danse et si ça leur fait autant de bien que je l’imagine, je ne peux que soutenir leur verve. Et puis, ma perception d’ado était fausse. Il n’y a pas que des Beaufs dans le Foot, ce serait vraiment très réducteur de se limiter aux gens les plus bruyants. Et puis, je suis allée voir où s’entrainaient les Marine et Blanc, j’ai trouvé le Haillan hyper classe, ça m’a terriblement donné envie d’aller jouer dans leur jardin.
Et j’ai aussi compris que si je voulais être adoptée pour toujours par la Bretagne, il fallait quand même que je m’intéresse à ses équipes. J’ai déjà fait la Pom-Pom Girl pour l’Etendard, je suis au courant que les lutteuses Brestoises sont plutôt douées et j’adore Miossec (ok, la guitare, c’est pas un sport, mais quand même !). Alors, effectivement, je me ferais bien un After avec les Girondins et j’ai beaucoup aimé les voir jouer, je pense que dorénavant je jetterai un œil sur les résumés de match, et j’aurais toujours espoir de les voir gagner. Mais j’aimerais aussi que le stade Brestois continue à faire rêver les finistériens, parce que rien n’est plus beau qu’un Gwenn ha Du qui flotte dans le ciel. N’allez pas trop loin quand même, on n’a pas les moyens d’acheter Messi ni Ronaldo, faut d’abord qu’on finisse de payer le Tram…
Il y a de plus en plus de joueurs dans l’équipe Facebook de « 5 minutes pour moi toute seule », l’union fait la Force, rejoignez-nous, ayez « L’esprit Club » !