Il est extrêmement difficile de hiérarchiser les drames. L’Ukraine, Gaza, Ebola, les crash, un pays ridiculement instable. C’est triste à pleurer, la race humaine si intelligente et pourtant si bête. Voilà bien le drame de toute notre espèce. Et pourtant, cette semaine, dans ce monde lugubre, une tragédie est venue frapper ma famille. Mon rôle de mère mis à rude épreuve, le coeur de ma petite fille et ses premières peines m’ont fait oublier que le monde ne tourne pas rond.
Cette semaine, il a même cessé sa course folle quand ma petite fille a découvert dans son bocal, son petit poisson qui ne tournait plus rond. Il ne tournait plus du tout d’ailleurs. Raide. Tordu. Flottant entre deux eaux. Son petit compagnon de chambrée, acheté 95 centimes chez Truffaut a cessé d’être. Et moi, j’ai dû affronter une crise diplomatique de la plus haute importance.
Cette semaine, j’ai appris mon impuissance de mère qui ne pourra jamais épargner à son enfant toutes les souffrances de la vie. Aussi inutile en Palestine que dans un aquarium. Voilà le drame de ma semaine, la tragédie de nos vies.
Dans ce contexte aussi sombre, j’ai tenté le tout pour le tout. La dérision, mais c’était trop tôt car il faut toujours un temps de digestion avant de pouvoir faire de l’humour noir. Les câlins parce que c’est ce qu’une maman fait le mieux. La raison en rappelant qu’un poisson rouge valait autant qu’une baguette aux céréales. Et finalement c’est en endossant mon rôle de prêtre animalier que j’ai été la plus efficace. Un discours devant un tombeau pour prouver à ma fille que je prenais cette perte au sérieux. Il n’y a pas de petits deuils, il n’y a que des leçons de vie. Voilà ce que j’ai fait, voilà ce que j’ai dit….
Au revoir petit poisson raide. Tu as tourné mieux que personne dans ton monde si étriqué. Tu t’es battu comme un chef pour faire croire à ta race qu’elle pouvait encore se sortir de sa condition. Et surtout, petit poisson, tu as appris à ma fille que la fin était inéluctable mais qu’elle rendait les choses précieuses.
Au revoir petit poisson. Au revoir insouciance de mon enfant. Au revoir ma toute puissance.