Un énième soir, autour d’un énième verre, avec ma copine « cuir-moustache », on a parlé des sites de rencontres. Elle a commencé par nous annoncer son inscription récente sur « adopte un crevard » et là, dans ses yeux, j’ai lu toute la fierté de la nana qui sait qu’elle a du succès. Elle nous a affirmé, en toute modestie, qu’elle était une princesse, une déesse du sexe et que les prétendants se bousculaient au portillon de son appart’ du centre-ville. J’ai immédiatement pensé que là, elle dépassait les bornes, qu’en règle général, JE suis la fille qui tient ce genre de discours et qu’elle faisait exprès pour m’énerver. Ca a dû légèrement fonctionner car, la semaine suivante, je l’invitais chez moi pour me créer un super faux profil de bombe sexuelle qui aurait toutes les chances de faire le buzz dans les cyber-caleçons du Finistère, voire de Bretagne (Autant viser large) !
« Emma » était née. Laissez-moi vous présenter Emma… (Comme dans la chanson de Matmatah)
Emma assume son âge. Emma a trente ans. Mais franchement, pour une nana de trente ans, elle envoie du rêve. Je vous préviens tout de suite, Emma n’est pas moi. Emma, c’est la moi fantasmée. C’est la moi en mieux. Donc Emma a très subtilement choisi ses photos, un peu comme sur Facebook. Au début, elle n’en avait mise qu’une seule, jusqu’à ce qu’elle constate que sa jauge de popularité stagnait. Donc, elle a en ajouté une seconde, juste pour voir. Elle a ainsi constaté que les hommes manquaient cruellement d’imagination. Une seconde photo, plus suggestive que la première et BING, les visites de sa page ont triplé. Emma s’est présentée comme une femme indépendante et qui ne cherchait pas un mec au régime. C’était risqué… Elle a l’air drôle et a ajouté sur son annonce d’accueil, un lien vers un blog. Elle a du culot. Les musiques qu’elle aime sont plutôt variées, il faut ratisser large on a dit. Elle a mis, les Brigitte (c’est une fille, logique) mais aussi Imany, Noir Désir, IAM, Selah Sue. LAAAARRGE ! (elle avait oublié de mentionner Carbon Kevlar) Elle a lu quelques livres de Vian à Douglas Kennedy en passant par Coelho. Elle n’a pas remplie le champ « TV », par principe. Emma a donc fait des choix sur ce qu’elle voulait projeter et donc ce qu’elle recherchait. Parce qu’une certaine image attire certains profils. Il faut s’en souvenir au moment de remplir la rubrique « sexo ». Mais Emma ne parle pas de sa vie sexuelle. Enfin, pas sur sa page d’accueil en tout cas. Donc, premier conseil : Vous avez le pouvoir. Servez-vous en !
« Le concept d’adopte un mec.com est simple. Le client est roi et en l’occurrence il est reine. Honneur aux dames ». Ce slogan est génialissime. Le créateur du site a tout compris. Il sait parler aux femmes. En revanche, les abonnés du site n’ont pas tous le même sens de la formule… La façon dont t’écrivent les mecs est un des tous premiers critères de sélection. On ne choisit pas un support de drague qu’on ne maîtrise pas les gars ! Bon sang ! Vous nous voyez aborder les mecs en jouant à Call of, vous ? Vous ne savez pas écrire, allez en boîte. Vous ne savez pas danser ? Euh, ben, dommage. Emma n’aurait jamais accepté un de vos charmes dans ces cas là… (Oui, Emma, c’est quand même un peu moi des fois).
– Slt Emma, chui ds l’armé, je reste en bretagne pour encore un an et après je repart a Tours. C’est dla que je vien. Tu fera quoi ds un an ?
(ARMEE, TOURS, ABSENCE DE BESHERELLE…)
Le problème, c’est que je n’ai jamais trouvé la touche qui sert à « désaccepter » les charmes envoyés. Peut-être qu’il faut que je vous explique pour les charmes… Si la consommatrice est reine sur ce site, c’est parce qu’elle seule décide si oui ou non un produit a le droit d’entrer en communication avec elle. Les hommes se promènent, visitent les pages des déesses et envoient des charmes aux profils qui les intéressent. Nous, les déesses, recevons les fiches techniques des produits en question et on décide après analyse dudit profil s’il aura l’immense privilège de nous envoyer des mots doux. Pour le gars dans l’armée, Emma n’avait fait que regarder la photo, elle aurait dû lire la fiche technique en entier !
Les photos sont la vitrine, il ne faut pas l’oublier. Elle doit déjà donner envie de cliquer. Et pour ce qui est visuel les filles, je vous promets que sur ces sites, il y a de la variété. Un peu comme partout finalement ; des beaux (mais c’est pas toujours leur vrai visage), des horriblement moches qui ont le mérite d’avoir joué franc jeu, des rouquins (ça fait d’ailleurs deux mois qu’il y a une promo spéciale les concernant) *, des maigres, des gros, des ados, des hommes virils, des papis, des blonds (très blonds qui posent avec des surfs), des gars qui pensent qu’ils sont beaux… Fréquenter ce site m’a rendue extrêmement exigeante en matière de plastique masculine. Normalement, je ne suis pas si sélective que ça. J’ai déjà craqué sur des moches dans la vraie vie. Certaines de mes amies n’ont jamais compris pour le gars auquel il manquait une incisive (pour ne citer que lui). Mais en l’occurrence, on a du choix. Alors je me suis entendue dire :
– Arrrrrggghh, dégueulasse… Certains hommes sont sur les sites de rencontres tels qu’ils doivent être en boîte. Ils oublient qu’ils n’ont aucune chance, alors ils tentent.
– Miam ! Les deux seules fois où je me le suis dit, c’était des fakes, ils l’ont avoué ensuite.
– Trop vieux .Mature oui, ridé non !
– Trop jeune. Quoique… Toute cougar qui se respecte adorera faire du shopping dans ce supermarché, il y a énormément de viande fraîche sur internet. Et cette viande réclame de l’expérience. Y plus qu’à !
– Trop tatoué. Point trop n’en faut. Je ne voudrais pas qu’on me fasse de l’ombre.
– Trop ringard. Poser devant sa voiture tunée, ce n’est pas vendeur. On n’a pas envie de reproduire un épisode de Confessions Intimes et de courir devant votre 205 à ailerons, pour virer le bas de caisse amovible, à chaque fois qu’on croisera un « Cassis**».
– Trop militaire. Si vous aimez les tenues kakies et les rangers les filles, les sites de rencontres sont un super vivier, en revanche, j’ai cité l’un d’entre eux un peu plus haut, alors, c’est vous qui voyez…
Vous commencez à saisir ? C’est comme rentrer dans un magasin de chaussures, on a le choix, on hésite, on cherche la perfection. Et on rentre avec des converses. La converse, avouons-le tout de suite, est quand même l’accessoire qu’il faut avoir. Des it-shoes comme le dirait Audrey sur son blog mode. Elles vont avec tout (enfin, faut exclure quand même quelques trucs). Mais surtout, dedans, ON EST BIEN. Vendredi soir, je bougeais mon corps dans une boîte de nuit (je le fais rarement) et j’ai observé les filles en talons. Ok, elles sont bien plus sexy que moi, avec leur triptyque jupe-seins à l’air-stilettos, mais, moi : JE DANSE POUR DE VRAI ! Elles finissent toujours par lorgner mes godasses d’un air envieux. La converse devient alors un objet convoité parce qu’elle est rare. Sur les sites de rencontres, c’est pareil. Les produits que tu voudrais garder jusqu’à la fin de la soirée sont peu nombreux. Toutes les filles mettent les mêmes mecs dans leur panier. De plus, tu peux voir qui est en compèt avec toi … Les autres filles sont tes « rivales », c’est écrit blanc sur noir (oui, ils auraient pu faire le contraire). Elles veulent ces chaussures, elles ont l’air bien. Donc, plus il y de monde qui se bouscule plus c’est intéressant. Le problème, c’est qu’on s’aperçoit vite qu’il n’y aucune converse sur les sites de rencontres. Aucune chaussure qui pourra te faire tenir toute la nuit. Et pourtant…
Il faut que je sois un peu honnête quand même. Certains de ces hommes ont attiré mon attention. Moi qui n’avais aucunement l’intention de rencontrer l’un d’entre eux, j’ai hésité parfois.
– Il y a eu cet instit’ complètement déjanté. Un genre de moi au masculin. Il lit, il sait écrire, il est drôle et assez sarcastique. Mais nous nous ne sommes jamais proposé de rencontre. Je pense qu’une relation épistolaire nous convient. J’ai décidé d’en faire un cyber-pote. Notre relation sera basée sur les échanges d’idées en tout genre. Ça me convient bien.
– L’un des tout premiers fut un père célibataire. Très gentil de prime abord et ses nombreux voyages font de lui un homme intéressant. Mais un père célibataire qui a été déçu par les femmes, c’est trop dangereux.
– Le petit rocker de 22 ans m’a rappelée ce que j’étais avant et j’ai trouvé ça très rafraichissant.
– J’ai également failli rencontrer pour de vrai un jeune homme absolument charmant. Photo : parfaitement adaptée à mes goûts, cultivé comme il faut, études intéressantes et qui lui promettent un avenir plutôt brillant. Mais, un des problèmes de ces sites, c’est que les hommes veulent du Fast Food. Vite mangé et vite digéré ! Moi, je déteste qu’on me presse. C’est moi qui décide. Lorsque je l’ai finalement éliminé de ma vie virtuelle en le bloquant de mon Facebook, je m’en suis d’abord voulu. J’ai imaginé que je lui brisais le cœur, que jamais il ne pourrait se remettre d’une telle déchirure. Il avait cru à l’amour virtuel. Une sorte de Calogero . Il « avait mon visage, il avait mon email et son cœur au bout du clavier. Mon visage et l’envie de moi sans jamais m’avoir touchée. » J’étais très émue. Je déteste faire du mal aux gens. Et puis j’ai raconté cette histoire à l’une de mes amies qui voyait très bien de qui je parlais puisqu’il lui avait fait le même coup, en même temps. Les choses s’étaient donc rééquilibrées d’elles-mêmes. Le cybermarché est très petit…
Si petit que certains hommes que je connaissais m’ont lancé des charmes, sans savoir que c’était moi. J’étais donc tentée de jouer avec ces hommes qui ne savaient pas que je savais… Et je me suis aperçue que je n’étais pas aussi démoniaque que je le croyais. Je les ai laissés tranquilles.
Fréquenter l’un de ces sites fût une expérience très riche bien que je ne sois jamais passée à l’étape ultime, celle de la rencontre. Je crois que je vais briser l’image que certaines personnes ont de moi, mais je ne suis pas si téméraire que j’en ai l’air. Je me suis imaginée plusieurs fois accepter un rendez-vous, me rendre dans un bar qu’on aurait choisi, affichant mon plus beau sourire et une tenue qui laisserait supposer que peut-être que… Et à chaque fois, une boule est apparue dans mon ventre rien qu’à cette idée. Plusieurs de mes amies ont franchi le cap pour des résultats plus ou moins agréables. Ces histoires ont duré de 5 minutes à plusieurs mois en passant par deux ou trois nuits passablement érotiques. Je connais même un «couple enfant-maison » dont la love story a débuté derrière un écran. Mais finalement, la vie est un site de rencontres géant. L’autre matin, j’accompagnais une classe de CP à la piscine et lorsque je me suis vue en train de discuter avec les trois maîtres-nageurs, j’ai pensé :
-trop de cheveux.
-trop sûr de lui.
-maillot de bains trop petit.
J’aime séduire et j’aime qu’on me séduise. Mais le langage du corps est indispensable pour que ça marche. Un clin d’œil, l’expression d’un visage, un sourire… Tous les smileys et les points de suspension de l’univers ne sauraient compenser ce qu’on exprime par un regard. Il y a, dans les rencontres virtuelles une absence totale de hasard. « L’amour n’est pas virtuel ». Ces endroits ne sont pas faits pour moi. Mais si Jude, Gourcuff ou Kyan désespèrent de trouver l’amour (ou un plan cul), j’enverrais « un message dans la nuit pour celui qui me répondra OK pour un rendez-vous ».
*ça, ce n’est pas de la moquerie, on est bien d’accord ?
**un dos d’âne quoi…