Aujourd’hui, je n’ai pas honte du peuple français. Se cacher derrière les masses, c’est trop facile.
Dimanche 25 mai 2014
9h30. Lendemain de fête. Réveil mal assuré. En plein lagen. Je feuillette mon journal en buvant mon café salvateur. Le précieux nectar lave mon esprit des derniers sursauts éthylo-rigolo de la veille.
-Ah oui, c’est vrai, nous sommes le 25 mai. Il faut que je trouve cinq minutes pour aller contrer Voldemort…
10h15. Mes vêtements jonchent le sol, la table est recouverte de miettes. Devant moi toujours ce canard, son gros titre presque clignotant. Piqûre de rappel.
-Va aux urnes !
11h00. Une douche, un masque, un brushing, un autre café, une clope en jouant à 2048 sur mon Iphone. Une promenade sur les réseaux. Facebook qui me rappelle les sacro-saintes européennes. La pression monte, l’heure tourne.
-Dans une heure je serai sur scène.
13h30. La clope en a appelé une autre. Les copines qui passent pour débrieffer de la soirée, organiser la prochaine, on a des vrais problèmes !
-Putain ! Je suis en retard !
13h45. Voiture. Miossec. Du soleil. Je récite mon texte de Frida. Je cherche la meilleure intonation possible.
14h15-18h30. Pointe de pied. Regard. Energie. Compter la musique, ressentir, vibrer. Avoir mal. Se tromper. Danser.
19h15. Maison. Douche. Repas en famille. Des bisous aux enfants.
20h01. Twitter. Les estimations deviennent des résultats. La planète Internet s’insurge, se met en colère, gueule et dégueule.
20h03. La cyber-démagogie m’horripile. Crier pour faire bien. Mes joues rosissent. Je n’ai rien à dire, je n’en ai pas le droit.
Me taire maintenant.
Fermer ma grande gueule de non-citoyenne qui n’a même pas été capable de donner cinq minutes de son temps pour poser une pierre à cette société dans laquelle elle vit.
Je n’ai aucune excuse. Je suis une digne représentante d’un peuple indigne qui a toujours un avis sur tout mais qui, le moment venu, a toujours mieux à faire.
Laisser une poignée s’exprimer. Les méchants ne sont pas majoritaires, mais eux, ils votent. Même si c’est loin, même si c’est abstrait, même si c’est flou, même si l’Europe, on sait pas bien ce que ça veut dire.
Je n’ai pas honte du peuple français. Aujourd’hui j’ai honte de moi. J’ai oublié que j’avais du pouvoir. J’ai oublié de poser ma pierre à l’édifice. J’ai oublié que j’étais la France, et je n’ai rien fait.